Si les premiers châteaux en pierre avaient longtemps déjoué les moyens offensifs, leur invulnérabilité est remise en cause, à la fin du 12ème siècle, par la puissance des nouvelles machines de siège. Pour rétablir la supériorité de la défense, le premier tiers du 13ème siècle est marqué par une véritable révolution dans la conception du château fort. Initiée dans les châteaux royaux d’Ile-de-France, elle est appliquée dans les provinces conquises par Philippe Auguste, notamment à Mauzun.
Abandonnant le schéma traditionnel du donjon-résidence, refuge hautain et passif, trônant sur des annexes à l’abri d’une enceinte assez lâche, le château philippien inverse le procédé : l’habitation devient accessoire ; l’enceinte devient l’essentiel : simple, double ou triple, elle est renforcée et dotée de toute une panoplie d’organes de riposte. Dominant ses alentours à perte de vue, la forteresse de Mauzun est un système hiérarchisé de trois enceintes encerclant un dôme volcanique. Le rempart inférieur, de 900m de pourtour, forçait l’assaillant à se concentrer, à dresser des échelles et à se trouver à découvert sous le tir plongeant du rempart supérieur. Celui-ci présente la forme d’un cœur de 150m de large, jalonné de 16 tours régulièrement espacées, enfermant un terre-plein obtenu par arasement partiel de la colline. À la jonction des deux branches du cœur, culminant sur un socle de basalte retaillé à la verticale, se dresse la troisième enceinte – le château ou donjon – formidable carré de pierres noires emboîté dans ses quatre tours d’angle.
La défense active, auparavant inexistante, est généralisée, formant des lignes de tir continues qui ne laissent aucun espace hors d’atteinte d’une flèche ou d’un carreau d’arbalète. La deuxième enceinte de Mauzun est équipée d’une ligne basse comprenant 63 meurtrières (3 par tour, une par segment de courtine), et d’une ligne haute constituée par un chemin de ronde à parapet crénelé au sommet des murs et des tours. Même disposition dans le donjon où s’ajoute un niveau supplémentaire de meurtrières, en quinconce par rapport au premier, et où le crénelage est doublé par des hourds. Les trois lignes de tir étaient desservies par autant de galeries – sous terre, dans l’épaisseur des murs et à leur sommet – courant sur la totalité du pourtour. Cela donnait à la garnison une grande mobilité et permettait d’en réduire l’effectif : quelque dizaines d’hommes suffisaient pour faire marcher cette énorme machine.
Ce qui caractérise l’enceinte finale du château philippien, c’est d’avoir son propre système de défense, de pouvoir se passer du reste de la place et, au besoin, de le tenir en respect. A Mauzun, les deux premières enceintes sont d’une grande utilité car elles peuvent abriter une troupe nombreuse et protéger longtemps le donjon. Mais elles ne sont pas indispensables à ce dernier, qui a tous les moyens de se défendre seul. Son socle rocheux le met à l’abri des sapeurs et des taupins (mineurs) ; ses murs épais se jouent des catapultes ; ses trois lignes de tir font mouche en tout point de la deuxième enceinte; à l’opposé de sa porte puissamment fortifiée, une poterne ménage des possibilités de sortie pour prendre l’assaillant à revers ; enfin, excentré, il est préservé de l’encerclement en cas d’invasion de la basse-cour et dispose d’une issue directe sur l’extérieur, pour le ravitaillement et les secours.